Le chagrin pour les uns, la pitié pour les autres

Les occasions de se sentir révolté sans pouvoir l’exprimer ne manquent pas. Au plus près de nous, nous ressentons douloureusement le sort des pensionnaires de maisons de retraite qui n’ont jamais autant mérité qu’aujourd’hui leur nom de mouroir. Ou bien celui des plus démunis, sans toit ni emploi, qui comprennent qu’ils ont encore moins qu’avant un avenir et connaissent même la faim. Ou encore celui des réfugiés condamnés à nos portes à une dangereuse promiscuité sans pouvoir s’en échapper.

Proches, ces situations nous sont devenues familières et nous avons du mal à imaginer ce que subissent des populations entières dans des pays « en voie de développement » ou « émergents » où tant de gens sont si vulnérables, sauf quand on y a vécu, dans mon cas l’Inde et le Brésil. Ceux que l’on appelle les invisibles, ces parias de la société qui n’ont d’autres ressources qu’eux-mêmes et sont coincés là où ils survivent difficilement.

L’arrogance, la suffisance, l’indifférence, les calculs égoïstes et pour tout dire les décisions criminelles qui nous sont rapportées sont insupportables. Elles portent des noms, notamment ceux de Donald Trump ou de Jair Bolsonaro. Le premier fomente des manifestations armées en faveur de la reprise de travail, le second déclare que « Dieu est avec nous » pour toute protection. Le pire est de se dire qu’ils ont été élus, même si leur élection a été biaisée.

Dans ces circonstances bouleversantes, les actions humanitaires se multiplient, des solidarités pratiques et spontanées se manifestent. Parfois inattendues, elles n’en sont que plus remarquées. Les esprits changent eux aussi, et les certitudes s’émoussent. Pour être à la mesure de ce qui est survenu, ce qui était hier impensable devient aujourd’hui envisageable, tout du moins pour certains dont l’attitude souligne l’état d’esprit navrant de ceux qui restent figés sur leurs croyances réactionnaires.

François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, s’illustre aujourd’hui dans une interview au Journal du Dimanche. Partant de la constatation que la crise en cours est « totalement inédite par sa nature », il répond avec les recettes les plus conservatrices à la chute du PIB et à l’accroissement de la dette publique qu’il annonce. « Dans la durée, il faudra rembourser cet argent », déclare-t-il, et « viser une gestion plus efficace, d’autant que les Français ne souhaitent pas payer plus d’impôts ». Tout en modulant son propos : « à l’avenir, il faudra voir si toutes les entreprises retrouvent la capacité financière pour rembourser leur prêt ». Sa conclusion n’est pas inattendue : « on pourrait envisager, au cas par cas, notamment pour les secteurs les plus durablement touchés, que les reports de charges fiscales et sociales deviennent des abandons, voire imaginer des apports en quasi-fonds propres ». On suggère des prises de participation minoritaires sans droit de vote, comme envisagé par le ministre de l’Économie et des Finances, il ne faudrait pas abuser.

Les banques françaises, BNP en tête, ne sont pas en reste. Afin de prêter aux grandes entreprises qui ne trouvent pas leur financement sur le marché, elles réclament des garanties de remboursement au gouvernement et les ont obtenues sous la forme d’un arrêté ministériel. Munies d’un engagement « irrévocable et inconditionnel » de les renflouer quasi intégralement dans les 90 jours en cas de défaut de paiement. Une entreprise « essentielle » en est le premier bénéficiaire connu,  Fnac Darty.

N’est-il pas réconfortant de constater que les vraies valeurs continuent à trouver porteur en ces temps d’abdication ?

8 réponses sur “Le chagrin pour les uns, la pitié pour les autres”

  1. Il va falloir consulter les immortels de l’Académie pour définir ce que l’on entend précisément par « intérêt général », un mot élastique que chacun voudra tirer dans sa boite à valeurs.
    Il ne s’agit pas de vouloir convaincre tout le monde mais dans le match qui s’engage, souhaitons que la sagesse (l’équilibre des grecs) l’emporte.

    1. Les sous-titres n’ont absolument aucun rapport avec ce que disent les personnages, mais c’est quand même très drôle. 😉

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